Les multi-expositions et leur rôle dans la survenue des cancers
Mots-clés :
Expositions professionnelles, Expositions environnementales, CancersRésumé
Introduction : Le caractère cancérogène des agents physiques, biologiques et surtout chimiques est suspecté aujourd’hui, mais la mise en évidence de leurs éventuels effets sur la santé reste désormais non avérée. Compte tenu que la multi-exposition peut se définir dans le sens transversal (dans le poste de travail actuel) ou dans le sens longitudinal (incluant tout le parcours professionnel du patient), une identification de ces agents doit être impérative afin de proposer un schéma de suivi post professionnel. Ce suivi est d’autant plus justifié que le cancer se caractérise par sa longue latence. C’est dans ce cadre que nous nous sommes assignés les objectifs suivants : repérer les situations de multi-exposition professionnelle et environnementale et identifier leur rôle potentialisateur dans la survenue des cancers.
Méthodes : Etude transversale descriptive menée du mois de décembre 2013 au mois d’avril 2014, concernant 243 patients actifs ou ayant travaillé, se soignant pour un cancer histologiquement confirmé dans les hôpitaux de la région de Sfax. L’exposition professionnelle pour chaque patient était définie en classant les substances auxquelles ils étaient exposés selon la classification du centre international de recherche sur le cancer. L’exposition environnementale était définie par les différentes nuisances sur la santé (tabagisme, alcoolisme, site polluant à proximité du domicile...).La multi-exposition était définie dans notre étude par l’exposition à un agent professionnel et un agent de l’environnement ou plus ou par l’exposition à deux agents professionnels ou plus.
Résultats : Le cancer se manifeste dans notre série par un pic de fréquence entre 50 et 60 ans avec un âge moyen de 55,78 ans. Parmi les 243 patients concernés, 72% étaient des hommes. Les cancers les plus fréquents étaient les cancers digestifs (22%), le cancer broncho-pulmonaire (21%) et le cancer du sein (21%). Les principaux secteurs d’activité étaient représentés par le secteur des bâtiments et travaux publics pour les hommes (26%) et le secteur de la confection pour les femmes (8%). Les deux tiers des sujets étaient tabagiques, 35% buvaient de l’alcool, 14% habitaient près d’un site polluant et 23,5% utilisaient des pesticides dans le cadre d’une activité extra-professionnelle. Sur les lieux du travail, les principales substances relevées étaient les solvants (16%), la silice cristalline (10%) et les poussières de bois (7%). Selon les critères définis, 36% n’étaient exposé à aucun agent de l’environnement ou professionnel potentiellement dangereux, par contre 64% répondaient à la définition de la multi-exposition que nous avons avancée. L’étude de corrélation entre les différents types de cancers et la présence de multi-exposition s’est révélée significative pour les cancers du poumon (OR=3,88 ; IC [1,97 ; 7,65]) et pour les cancers digestifs (OR=2,22 ; IC [1,02 ; 4,85]).
Conclusion : La connaissance du vécu professionnel de chaque salarié et les éventuels facteurs professionnels et environnementaux qui peuvent avec une forte probabilité interagir pour générer de telles pathologies longtemps silencieuses et graves est indispensable d’autant plus qu’on souligne des insuffisances d’identification de ces expositions d’après la nette sous déclaration qui constitue la principale alarme afin de mettre en œuvre les leviers d’action essentiels pour prévenir ces pathologies.
